SYN Synthesis, vol. 31, núm. 1-2, e148, febrero 2024 - enero 2025. ISSN 1851-779X
Universidad Nacional de La Plata
Facultad de Humanidades y Ciencias de la Educación
Centro de Estudios Helénicos

Dosier: Gestualidad en el teatro griego antiguo.
Los gestos y el cuerpo en el texto y en la escena

Quel type de gestualité pour la comédie ancienne?

Matteo Capponi

Université de Lausanne, Suisse
Cita recomendada: Capponi, M. (2024). Quel type de gestualité pour la comédie ancienne? Synthesis, 31(1-2), e148. https://doi.org/10.24215/1851779Xe148

Résumé: Comment nous représenter le type de gestualité mise en œuvre par la comédie ancienne ? L’iconographie nous offre une idée du corps et du costume de l’acteur comique. Mais la fixité des images (sans parler de leur origine et de leur datation différentes) laisse en suspens la question de la réalisation scénique des gestes, et de leur succession.

Pour répondre à cette question, il importe de prendre en compte le contexte matériel dans lequel étaient produites les pièces : les costumes, les masques, mais aussi le gradin élevé, l’orchéstra rectangulaire, le public nombreux. Il faut, pour reconstituer la gestualité antique, se rappeler qu’elle est avant tout un medium adapté à cet espace et répondant, par-delà les codes esthétiques, à des besoins techniques particuliers.

Dans cet article, je souhaite observer si la méthode que j’ai appliquée jusqu’ici à la gestualité tragique fonctionne également dans le cas de la comédie. J’étudie une scène des Acharniens d’Aristophane caractérisée par son intense gestualité. Je montre qu’on peut identifier dans le texte différents types de gestes : gestes praxiques, modalisateurs, mimétiques, iconiques. Mis bout à bout, ils permettent de comprendre un peu mieux ce que le public athénien avait "devant les yeux".

Mots clés: comédie ancienne, Aristophane, gestes, kinésique.

What Kind of Gestuality for Ancient Comedy?

Abstract: What kind of gestures were used in ancient comedy? Iconography gives us an idea of the body and costume of the comic actor. But beyond the fixity of images, how were gestures successively performed on stage?

To answer this question, we need to consider the material context in which the plays were produced: the costumes, the masks, the rectangular orchestra, and the large audience. We must remember that gesture is above all a medium adapted to the space and to technical needs.

In this article, I'd like to check whether the method I've applied so far to analyze kinesics in tragedy also works in the case of comedy. I study a scene from Aristophanes' Acharnians characterized by intense moves. I show that different types of gestures can be identified in the text: praxis gestures, modal gestures, mimetic gestures, and iconic gestures. Taken together, they allow us to better understand what the Athenian spectators had "in front of their eyes".

Keywords: Ancient Comedy, Aristophanes, Gestures, Kinesics.

1. Introduction

A quoi ressemblait le jeu des acteurs de la comédie ancienne ? Autrement dit, en écho à la thématique de cet ouvrage, à quel type de gestualité avions-nous affaire ? Se rapprochait-elle de la réalité, s’en distinguait-elle, se permettait-elle les deux registres, variait-elle les codes ?

Pour définir cette gestualité, des termes viennent à l’esprit, tels que clownesque, burlesque, obscène ou carnavalesque. Mais ces termes renvoient à des formes de théâtre qui nous sont familières, et il ne va pas de soi qu’elles puissent s’appliquer à une forme de théâtre aussi éloignée de la nôtre, dans le temps et dans l’esthétique, que la comédie ancienne.

La question est bien complexe. Elle porte sur ce que la recherche anglophone désigne comme ‘kinesics’. Le terme est défini par K. Thomas dans l’introduction à A Cultural History of Gesture from Antiquity to the Present Day (1991, p. 3):

Kinesics is a highly developed subject with a variety of subdivisions, ranging from proxemics (the study of the distance which people keep from each other when talking), to haptics (the study of the way in which they touch each other during the conversation).

Je n’entends pas reprendre l’entier de la discussion dans le cadre de cet article. Mon ambition est, si possible, d’éclairer un pan de cette thématique en posant, de manière très concrète, la question de la réalisation des gestes. Pour ce faire, je me propose de suivre la voie ouverte par Georges Perec dans sa Tentative d'épuisement d'un lieu parisien, récit publié en 1975 dans lequel il s’essaie à décrire tout ce qu’il voit se dérouler sur une place de Paris. Pour ma part, je tenterai de décrire tous les gestes exécutés dans une scène des Acharniens d’Aristophane, celle dans laquelle le héros Dikéopolis célèbres ses propres Dionysies rurales. J’étudierai de près leur vraisemblance et leur faisabilité, en suivant une méthode qui pourrait servir de modèle pour d’autres scènes.

2. Gestualité et Performance Studies

Il serait erroné d’affirmer que la question de la gestualité comique a été négligée. On peut même affirmer qu’elle est aujourd’hui prise en compte dans tout ouvrage intéressé à l’esthétique du genre. Le développement des performance studies dans les années 70 a rendu la question cruciale, dans la mesure où, selon la formulation de Goldhill et Osborne (1999, p. 15): "Performance studies’ and its analysis of culture has made performance a central explanatory term for the articulation of the subject in relation to social norms and practices". C’est précisément en regard de ces normes et de ces pratiques qu’il nous faut penser la gestualité comique

La "révolution" des performance studies a donc attiré l’attention des chercheuses et chercheurs sur le jeu comique. Comme le rappelait récemment Alexia Piqueux (2022, p. 263):

Over the past twenty or so years (…) studies have been conducted concerning the hierarchy of verbal and visual signs, on the autonomy of the gesture in relation to the text, on the importance of silent gestures (which go unrecorded, or barely referenced, in the text), and, finally, on the significance of the apparent redundancy in the performance when onstage gestures are mentioned explicitly in the text.

En somme, les philologues, "amoureux des textes" par nature, ont été contraints d’appliquer le principe évoqué par Aristote dans la Poétique, à savoir celui de "se mettre la scène sous les yeux" (1455a23). Un principe que les scholiastes, notons-le, avaient mis en pratique de longue date.1

Plus récemment, Martin Revermann (2006) s’est inscrit dans cette lignée, en signant l’étude la plus complète à ce jour dédiée au "spectacle" comique, Comic Business. Theatricality, Dramatic Technique, and Performance Contexts of Aristophanic Comedy. Il l’expose clairement: "One of the aims of this book is to pay due attention to the visual dimension which is so crucial in the interpretation of the ancient Greek theatrical sign" (p. 33). L’auteur nous met cependant en garde: "Resurrecting the visual dimension is a tricky and frequently frustrating business" (p. 33).

J’ajouterai que les monographies ne constituent de loin pas les seules études utiles. L’intérêt pour le spectacle, pour l’opsis, selon la terminologie d’Aristote, se retrouve notamment dans les commentaires des pièces de théâtre, comme dans celui de Douglas Olson (2002) pour les Acharniens que j’ai suivi de près et qui m’a été d’une aide précieuse. Selon la sensibilité de l’auteur·ice, les problèmes de gestualité et de mouvement y sont plus ou moins abordés –et plus ou moins résolus. Une troisième source est celle des traductions éditées, qui fournissent souvent des indications de jeu, à travers les didascalies qu’elles insèrent.

3. Gestualité et iconographie

Une autre source importante pour appréhender la gestualité comique serait évidemment l’iconographie. Le corpus italiote, notamment, est fascinant dans ce qu’il révèle d’une théâtralité autre que la nôtre, à travers des codes qui bien souvent nous échappent. Cependant, ne me considérant pas comme spécialiste de l’iconographie, je laisserai de côté cette approche, toute riche qu’elle puisse être. Cette omission peut se justifier, dans la mesure où la tradition à laquelle ces vases se réfèrent n’est pas non plus complètement celle de la comédie ancienne athénienne. Piqueux (2022) le rappelle: "Athenian plays and vases from South Italy and Sicily have peculiar purposes and significances in their respective contexts" (p. 51). Et par ailleurs: "Current work that studies iconographic testimonies to shed light on the comic performances are in most cases marked by a critical distance regarding the images" (p. 68). Plus loin: "These images reveal how the comic body and the different characters who bore it are imagined, and also how vase-painting appropriated comedy imagery for itself" (p. 72).

On peut, dans les limites de cet article, se contenter de garder en tête la description du "corps comique" que propose Piqueux: "The actors wore masks with distorted features, an artificial phallus, padding on the belly, buttocks, and chest, and also a kind of tight body-stocking" (p. 73). On superposera cette image aux résultats que nous obtiendrons à partir de la seule lecture des textes. L’intuition est celle que la gestualité est liée au corps comique, qu’elle en découle. Au corps déformé, désinhibé ou excessif de la comédie, correspond une dynamique du même type. Pourtant, la reconstitution du costume, du corps de l’acteur, à partir de l’imagerie, ne suffirait pas à rendre compte de la gestualité. Il est nécessaire pour y parvenir de se figurer le cadre spécifique dans lequel étaient produites les pièces, à savoir le théâtre de Dionysos à Athènes. Car la gestualité est avant tout fonctionnelle, elle est un medium adapté à cet espace et répondant à ses besoins particuliers.

4. Gestualité et contraintes matérielles

Mon questionnement à l’origine est d’ordre philologique, même s’il s’inscrit dans la droite ligne des performance studies. Je l’ai notamment développé dans mon travail de doctorat et dans l’ouvrage qui en est issu, Geste et parole dans la tragédie antique à la lumière des trois "Electre" (Capponi, 2020a). Dans cet ouvrage, je pose comme principe que la gestualité des personnages est codifiée, qu’elle répond à des contraintes esthétiques et pratiques, et qu’elle perce dans le texte, explicitement ou entre les lignes. Cette option correspond à celle, bien connue, qu’Oliver Taplin a formulé comme un axiome dans son introduction à Greek Tragedy in Action (1978, p. 17): "The fact remains that all the action necessary for a viable and comprehensible production of a Greek tragedy is, as a matter of fact, included in the words". Ce postulat, même s’il mérite quelques réserves, me paraît toujours d’actualité. Il encourage à chercher dans le texte les traces de la "performance" originelle –du moins d’une partie de cette dernière. Je ne me justifierai pas plus longuement sur ce point, l’ayant fait de manière répétée dans de récentes publications.2 Je rappellerai cependant certaines données factuelles sur lesquelles je me fonde pour aborder la question de la visualisation des gestes.

Les gestes du théâtre intéressent la recherche depuis longtemps, sans qu’un consensus n’ait émergé. Dans The Dramatic Festivals of Athens, Arthur Pickard-Cambridge (1988 [1968], p. 171) consacre un chapitre au jeu des acteurs, qu’il introduit de la sorte:

It is difficult to reach any firm conclusion on the degree of statuesqueness, or alternatively of vigour, which we are to visualize in the Greek actor’s playing of his role. (…) In the fifth century the texts of the plays seem to imply (…) a high degree of mobility, even of rapid movement, kneeling, prostration, and a free play of gesture.

À la suite, différentes études qui font aujourd’hui référence se sont appliquées à recenser les gestes effectués ou évoqués sur scène.3 On notera que la plupart d’entre elles prennent les textes tragiques pour référence.

La question que je me pose, en tant qu’analyste mais également de praticien du théâtre, est celle de la réalisation concrète des gestes. Les commentaires, on les comprend, sont extrêmement prudents lorsqu’il s’agit de reconstituer en pensée, voire en images, la scène telle qu’elle pouvait –ou ne pouvait pas– être jouée. Il paraît néanmoins possible d’avancer quelques hypothèses si l’on s’attache au contexte matériel de la représentation. Revermann (2006, p. 113) explique ainsi le type de jeu pratiqué en références aux données architecturales: "The venue, given its nature and size, also calls for ‘big’ acting: elaborate and carefully executed gestures, a resounding voice, and well-coordinated movements". Je fonde de même mon approche sur la prise en compte des exigences matérielles du spectacle et sur une conception des gestes propre à l’esthétique antique. La disposition des gradins, par exemple, implique différents points de vue, et non celui, unique et conventionnel, d’un spectateur qui serait placé face à la skênê et au niveau du sol. Par ailleurs, il faut imaginer des mouvements et déplacements dans une orkhêstra que les recherches archéologiques les plus récentes ont prouvé être de forme trapézoïdale, flanquée de gradins rectilignes.4

Les principes fondamentaux que j’en déduis pour un processus de "visualisation" sont les suivants:

  1. -Les acteurs parlent de face: Pour des questions d’acoustique évidentes, lorsque l’acteur parle ou chante, il doit se tenir de face et avoir le visage (le masque) tourné au maximum vers le public. S’il parle ainsi, ceux qui sont au centre des gradins le perçoivent de face, visuellement et auditivement; ceux qui sont sur les gradins latéraux bénéficient encore d’un angle de 60o environ. Si l’acteur parlait de profil, la moitié du théâtre ne pourrait entendre distinctement ses répliques. Or, comme le rappelle Wiles (2000, p. 151): "Because of the size of the audience, the first requirement of the Greek actor was audibility".

  2. -Les acteurs exécutent les gestes de face: Il en va des gestes comme pour les paroles: ils doivent être exécutés face au public, de manière à être perçus de tous.

  3. -Les acteurs exécutent un geste en ouverture de chaque réplique: Un geste est indispensable en amont de chaque réplique pour indiquer qu’un nouveau personnage prend la parole. Ce geste sert en outre à préciser l’intention ou l’émotion du locuteur.

  4. -Les gestes sont codifiés, "symboliques": Les gestes sont inspirés du quotidien mais ils sont reproduits avec une dimension spectaculaire sur la scène théâtrale. Pavis (2007) a bien souligné ce principe: "La gestualité théâtrale paraît fournir le type même de signe iconique, c’est-à-dire présentant une certaine ressemblance avec son référent. Le plus souvent dans les formes de théâtre dramatique, le geste de l’acteur renvoie par analogie à son modèle et provoque un effet d’illusion dû à la grande ressemblance avec le geste imité" (p. 84). Sur la scène antique, ces gestes impliquent l’entier du corps de l’acteur, amplifié qu’il est par son masque et son costume de scène.

Voilà formulées les données "techniques" sur lesquelles je m’appuie dans mes tentatives de reconstitution de la gestualité théâtrale. Pour résumer:


Pour différentes raisons, mon travail s’est jusqu’ici limité au champ tragique. Ce n’est que depuis peu que je me suis tournée vers la comédie, curieux de savoir si la méthode appliquée était transposable dans le monde aristophanesque. Je souhaite, dans cet article, observer si la méthode s’applique également à la comédie, et si elle nous permet de comprendre plus précisément comment se déploie le jeu de l’acteur comique. La question ne va pas de soi puisque la comédie se caractérise par une multiplicité de gestes, qui la distingue justement de la tragédie sur ce point: "The tragic stage is sedate, while the comic stage, at least of the fifth century, is busy" (Revermann, 2006, p. 3). Cette "busyness" comique, c’est justement ce que nous allons observer de près.

5. Typologie des gestes

Cette divergence m’invite à réfléchir à la nature des gestes exécutés sur la scène comique, à me demander s’ils sont différents ou simplement plus nombreux. Il existe de nombreuses typologies, influencées notamment par la sémiologie moderne et les études théâtrales. D’autres se fondent sur l’empirisme des chercheurs et ont l’avantage de proposer des recensements inspirés du matériel antique. Pour ma part, c’est essentiellement le rapport du geste à la parole qui m’intéresse, tel qu’il se joue au sein de ce que Mac Neill (2009) définit comme la "speech-gesture unit" (p. 301), marquée par son caractère d’"inviolability". Mon étude des trois "Electre" (Capponi 2020a) visait précisément à éclairer le type de relations qu’entretiennent gestes et paroles au sein de cette unité, puis à observer le traitement particulier qu’en offre chacune des versions théâtrales du mythe.

Pour ce faire, je suis parti d’un modèle proposé par la linguiste Kerbrat-Orecchioni dans Les actes de langage dans le discours. Théorie et fonctionnement (2001). Dans toute situation d’interaction, affirme-t-elle, il convient tout d’abord de distinguer "actes communicationnels" et "actes non communicationnels", ou "praxiques" (pp. 153-154). Ces derniers ne participent pas à l’interaction communicative, ils existent pour eux-mêmes. Néanmoins, ils participent également d’un certain rapport à la parole, dans la mesure où ils peuvent être mentionnés ou non, et précéder ou suivre leur mention. Par ailleurs, dans la mesure où tout est signe, au théâtre, il faut prendre en compte le fait qu’ils "communiquent" au minimum quelque chose à l’intention du public. Ainsi en va-t-il des actes comme se voiler, s’asseoir par terre, s’en aller, qui "communiquent" un sens, sinon dans l’interaction entre les personnages, du moins dans la relation aux spectateurs.

A côté de ces gestes "praxiques" se déploient les gestes "communicationnels", qui ont donc pour vocation de transmettre une information au sein de l’interlocution. Ces derniers se distinguent eux-mêmes en deux catégories, selon leur rapport à la parole: soit ils accompagnent le langage, soit ils le remplacent. Pour visualiser ces différences, un modèle efficace est celui que propose Adam Kendon sous forme de continuum. Kendon montre en effet que la distinction s’échelonne depuis les mouvements involontaires jusqu’à la langue des signes: "As we move from left to right on the continuum, the gestures become less natural, take on more ‘language-like’ properties and depend less on the co-presence of language itself."5


Cette typologie rend bien compte de l’utilisation des gestes qui peut être faite dans le cadre théâtral. Je me permets de reformuler ces termes en français pour les rendre plus fonctionnels: gesticulatoires – modalisateurs – mimétiques – iconiques – langue des signes.

Ecartons d’emblée la langue des signes, qui ne concerne, que je sache, que notre époque. La catégorie des gesticulations est importante en termes de jeu, car elle apporte de la vivacité à la scène, mais on l’imagine mal convenir au théâtre antique: dans l’esthétique exigée par la tragédie comme la comédie, elle serait difficilement perceptible. De plus, comme Pavis le rappelait, les gestes de théâtre sont toujours "symboliques", imitatifs du réel. Je tendrais à dire qu’ils sont remplacés par les autres types de gestes.

Et de fait, dans les catégories des gestes mimétiques et iconiques se reflète une conception de la gestualité propre à l’antiquité. Il convient de se la représenter influencée par la danse,6 elle-même constituée de poses et d’attitudes (schémata), alternant avec des mouvements (phoraí). Le correspondant serait plutôt à trouver du côté des théâtres orientaux, théâtre kabuki japonais ou kathakali indien. Llewellyn-Jones (2014) y fait référence dans The Encyclopedia of Greek Tragedy, sous la rubrique "Poses", et parle pour la danse de "series of movements with a pose or with a frozen gesture". À la suite d’une comparaison avec le jeu du kabuki, l’auteur en vient à définir "a codified theatrical language performed not simply through speech, but through movement and gesture".7 Ce langage codifié est notamment composé des gestes mimétiques et iconiques. Mimétiques lorsqu’ils reproduisent un élément du discours ou du monde extérieur –difficiles à repérer, car ils ne sont pas explicités et impliquent une part d’autonomie du comédien. Iconiques lorsqu’ils correspondent à des attitudes codifiées, dont on trouve les correspondants dans la sculpture et l’iconographie.8 Le grec les définit en tant que schémata, "attitudes" ou "figures", qui forment un point de rencontre entre gestualité tragique et comique. En effet, il arrive que la comédie reproduise des schémata empruntés au registre tragique. On pense à Dionysos imitant le schêma d’Héraklès dans les Grenouilles (le terme apparaît au vers 86), ou aux rôles joués par Euripide et son parent dans les Thesmophories pour tenter d’échapper au garde (Hélène, Ménélas, Écho, Persée, Andromède…). Le Dikéopolis des Acharniens, que nous retrouverons au terme de cet article, en offre un autre exemple, lui qui, pour forcer le chœur à écouter sa plaidoirie, emprunte la pose de Télèphe et prend pour otage un sac de charbon! L’imitation de ces figures devait s’appuyer sur toute une gamme d’images traditionnelles, car c’est chaque fois dans le cas de références para-tragiques qu’elles interviennent. Cela signifie aussi que le registre de la gestualité comique est différent du registre tragique, que ce dernier fonctionne comme un modèle et que l’une des manières qu’à la comédie de construire ses gestes est la parodie...

A l’inverse, la catégorie des gestes modalisateurs leur est commune. Si j’ai choisi ce terme pour traduire celui de language-like, c’est que ces gestes servent le plus souvent à souligner les modes des énoncés.9 Ils rythment le discours et permettent de découper des unités pragmatiques qui correspondent souvent à des modalités, telles que: adresse, ordre, interrogation, dénégation, exclamation de joie ou de surprise, lamentation (pour citer les plus récurrents).

Par ailleurs, j’inclus dans cette catégorie les gestes déictiques. Ces derniers sont également "language-like": ils sont nécessaires pour illustrer et préciser (voire remplacer) l’intention d’un énoncé comportant lui-même un élément de deîxis. Le rôle de ces gestes est considérable au théâtre, dans la mesure où ils servent à créer l’espace, puis à situer le locuteur au sein de l’espace fictionnel ainsi mis en place.

Enfin, on n’oubliera pas d’ajouter à ces catégories celle des gestes praxiques, évoquée plus haut. Elle s’en distingue dans la mesure où elle n’implique pas d’interdépendance entre geste et parole.

Pour mieux faire apparaître la diversité de ces gestes, mais également l’utilité de pareilles distinctions, je propose un bref exercice de "révision". Il s’agit de revenir sur les onze catégories définies par Anna Spitzbarth dans son ouvrage Untersuchungen zur Spieltechnik der griechischen Tragödie (1946). Une liste datée, certes, mais qui a l’avantage de se présenter comme exhaustive. Je présente ces termes dans ma traduction et les range selon les catégories que j’ai mises au jour.


Spitzbarth ne justifie pas ces catégories et, comme nous le voyons, cette imprécision pose problème. En ne distinguant pas les types de gestes effectués, l’auteure ne permet pas véritablement de comprendre ce qui se passait dans l’espace théâtral. Elle contredit son propos qui est précisément d’observer la Spieltechnik de la tragédie! Car les termes répertoriés renvoient à des types de gestualité distincts et à des réalisations bien différentes. Par ailleurs, ils n’apparaissent principalement que dans deux catégories, signalant ainsi la difficulté qu’il y a identifier des gestes de type mimétique ou iconique. Or la variété des types est précisément ce qui caractérise le théâtre antique et qui mérite d’être étudié, en tragédie comme en comédie.

La même remarque pourrait s’appliquer à d’autres recherches de ce type, qui s’intéressent à une thématique et au lexique qui s’y réfère (supplication, contact, prière…), sans prendre en compte les données techniques de leur réalisation. Mais il ne s’agit pas de les réviser toutes. L’exemple de Spitzbarth me sert surtout à illustrer ma propre méthode. Il rappelle aussi que, si l’idée de recenser les gestes théâtraux a déjà été mise en œuvre, c’est au corpus tragique qu’elle a été appliquée. Jamais, à ma connaissance, au corpus comique. Sans doute la "buzyness" de la scène comique décourage-t-elle de se lancer dans l’entreprise...

6. Tentative de description de la gestualité d’une scène

Muni de ce viatique, je souhaiterais donc, pour achever cet article, proposer un recensement de tous les "gestes" intervenant dans une scène des Acharniens. Le choix de la pièce n’est pas anodin: c’est une pièce que je me trouve avoir traduite pour la scène, et que nous avons montée avec un collectif d’étudiant·e·s. J’y jouais pour ma part le rôle de Dikéopolis. La scène choisie montre la première confrontation entre Dikéopolis et le chœur, au moment où ce dernier se prépare à célébrer les Dionysies agraires, non en public mais dans l’intimité de sa famille (de son oîkos). J’ai donc eu à la fois la tâche de réfléchir, dans ma traduction, à la gestualité attachée aux mots de cette scène, et le privilège de l’expérimenter de l’intérieur. Ce sont deux bonnes raisons pour vouloir la traiter. Une troisième raison tient au fait que la scène implique une importante "busyness", et qu’elle mobilise toutes les sortes de gestes que nous avons identifiées: praxiques, modalisateurs, mimétiques, iconiques.

Je reproduis dans le tableau qui suit le type de découpage que j’ai mis au point dans mon étude et réutilisé depuis dans mes articles. Il se fonde sur une analyse du texte non par vers ni par phrases, mais par "unités", correspondant à des "clauses", ou "acte énonciatif minimal", selon une définition linguistique moderne10. C’est une manière d’éviter la notion abstraite et graphique de "phrase" et, dans le même mouvement, de renouer avec une approche orale des textes antiques. Il est en outre possible d’attacher à chacune de ces unités un geste, selon le type concerné, et d’instaurer ainsi une temporalité et un rythme qui correspondent à une dynamique de jeu.

Par ailleurs, pour se représenter la scène, on se souviendra des données techniques énoncées au début de cet article, qui déterminent la réalisation de l’action en cours: geste nécessaire avant une réplique, exécution des gestes face au public, énonciation face au public, nature codifiée des gestes. Il convient de les replacer dans le cadre matériel d’un théâtre qui correspond à ce que l’archéologie nous en a révélé. Pour ce faire, je recommande d’avoir en tête l’image ci-jointe, conçue pour un programme de visualisation de l’Athènes antique en 3D. D’emblée, des spécificités apparaissent qui déterminent les options de mise en espace de notre passage. Impossible par exemple pour le chœur constitué de 24 choreutes de disparaître de l’espace en un tournemain: il peut tout au mieux symboliser son retrait en se plaçant à proximité de la párodos. Impossible aussi que Dikéopolis et sa troupe apparaissent tous les 5, les uns derrière les autres, dans l’alignement de la porte: le public placé en face ne les apercevrait pas. Il faut donc que la petite procession s’aligne le long de la skené. Ce type de contraintes matérielles guident les mouvements des comédiens, elles s’ajoutent aux gestes qu’il est possible de postuler, et me permettent d’établir la "partition de jeu" qui suit.

Aristophane, Les Acharniens 237-262
Aristophane, Les Acharniens 237-262
Aristophane, Les Acharniens 237-262
Aristophane, Les Acharniens 237-262
Aristophane, Les Acharniens 237-262
Aristophane, Les Acharniens 237-262
Aristophane, Les Acharniens 237-262
Aristophane, Les Acharniens 237-262
Aristophane, Les Acharniens 237-262
Aristophane, Les Acharniens 237-262

Je n’irai pas plus loin dans cette tentative de description, que j’achève au moment où Dikéopolis passe à un autre registre de gestualité, celui de la danse. Comme je l’ai dit plus haut, la danse mobilise vraisemblablement des gestes mimétiques. Olson (2002) omet cette dimension lorsqu’il décrit le chant de Dikéopolis: "Dik.’s song amounts to an explicit acknowledgement that the troubles described in 32-3 have been corrected, and fall into three parts, each introduced by an invocation of the god" (p. 148). Comme toute partie lyrique (même si celle-ci conserve une base iambique), elle implique une chorégraphie, sans doute d’inspiration bacchique, qui convient à la dynamique de la scène. Dans ce cas encore, il faut mobiliser le sens de la vision pour en retrouver toute l’énergie et l’éclat. Je laisse au soin du lecteur, de la lectrice, la tâche d’imaginer à la lumière de cette esquisse une scène comme la confrontation entre Dikéopolis et le chœur, dans laquelle Dikéopolis utilise sa marmite comme bouclier contre les pierres des Acharniens; ou encore la scène de la prise d’otage, où Dikéopolis menace d’égorger un sac de charbon sous les yeux des Acharniens, reproduisant en cela le schêma d’un Télèphe tragique.

Ma démarche avait une ambition modeste: tenter de décrire précisément les gestes exécutés dans une scène, en la mettant "devant nos yeux", pour qu’elle puisse servir de modèle à d’autres. Le but de pareil exercice n’est pas de fournir le matériel nécessaire à une reconstitution à l’identique –encore que la démarche pourrait être intéressante! Il s’agit plutôt de mettre en lumière tout ce qui nous sépare du spectacle vivant lorsque nous ne tenons en main que le texte. Dans le même temps, c’est une manière de démontrer que, tenant le texte en main, nous possédons déjà une mine d’informations relatives à la performance. Je suis bien conscient que l’idée de retrouver la mise en scène originale est un phantasme, et qu’il entre une part de subjectivité dans les propositions que je fais. Néanmoins, les précautions et les concepts que j’emploie me semblent constituer un garde-fou solide. L’exigence de la faisabilité technique, la mise au jour de codes de jeu spécifiques, l’existence d’une imagerie commune, sont autant de données qui guident la recherche, tout en stimulant l’imagination. Dans ma perspective, l’une et l’autre doivent s’appuyer pour fournir de nouvelles hypothèses, comme celle que je propose, attendant d’être infirmées, confirmées ou plus simplement améliorées. Gageons qu’à l’heure de l’imagerie numérique, de la 3D, il sera bientôt possible d’assister à un spectacle tragique ou comique "comme si on l’avait devant les yeux". Ce sera l’occasion de découvrir et de vérifier bien des aspects de la réalité spectaculaire!

Pourtant, si cette vision est enthousiasmante, elle n’éclipse pas la nécessité du spectacle vivant. Je finirai par cette petite profession de foi: on en apprend sans doute autant sur la gestualité antique en allant voir une mise en scène contemporaine d’Aristophane qu’en analysant le texte comme je le fais. Et plus encore, en s’essayant à mettre en scène ces textes et à les jouer. Au terme de cette recherche, j’espère donc que j’aurai donné le goût de voir, et si possible de jouer le théâtre d’Aristophane sur les planches. Car mobiliser son propre corps et sa propre voix, c’est ce qui nous relie le plus intimement aux humains qui, en 425 avant notre ère, ont participé, dans les gradins et dans l’orchéstra, à la représentation des Acharniens d’Aristophane.



Aristophane, Les Acharniens… ou les Helvètes Par le Groupe de Théâtre Antique de l’Université de Neuchâtel, juin 2007 © GTA

Références

Béguelin, M. J. (2002). Clause, période ou autre ? La phrase graphique et la question des niveaux d’analyse. Verbum, 24, 85-107.

Capone, G. (1935). L’arte scenica degli attori tragici greci. Firenze: L.S. Olschki.

Capponi, M. (2020a). Parole et geste dans la tragédie grecque à la lumière des trois "Électre". Neuchâtel: Alphil.

Capponi, M. (2020b). Doing Things with Words... and Gestures on Stage. En G. Martin (Ed.), Communicating on Stage (pp. 338-363). Leiden: Brill.

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Notes

1 Pour une recension de ces sources, voir Capone (1935, pp. 105-106).
2 C’est dans Capponi (2020a) que mes arguments sont le plus développés. Ils sont résumés dans les articles Capponi (2020b) et Capponi (2021), qui adoptent chacun une perspective différente, respectivement pragmatique et métathéâtrale. Dans Capponi (2022), j’utilise cette même approche pour aborder la question des personnages et des caractères.
3 Mes recherches m’ont mené jusqu’ici dans le champ tragique. Dans ce domaine, les études essentielles sur les gestes sont, dans l’ordre chronologique, celles de Sittl (1970 [1890]), Capone (1935), Shisler (1942) et (1945), Spitzbarth (1946), Neumann (1965), Lasserre (1970). On peut y ajouter celles de Kaimio (1988), centrée sur le contact physique dans les scènes tragiques, de Telò (2002a) et (2002b), qui s’attachent à la réalisation de certains gestes particuliers, ou encore de Valakas (2002), qui cherche à identifier différents types de gestualité. La thèse de Marchal-Louët (2011) s’intéresse en particulier à la gestuelle dans les tragédies d’Euripide et confirme l’importance qu’elle revêt dans sa dramaturgie. Pour la comédie, je m’appuie essentiellement sur Revermann (2006) et Piqueux (2022). Cette dernière dresse un bref historique de la question (p. 263).
4 Sur ce point, voir notamment Moretti (2000, p. 298): "Le koilon avait la forme d’un pi dont les branches étaient peut-être dissymétriques et divergentes. Il comprenait une proédrie de pierre en simple degré et des séries de gradins de bois montées sur des échafaudages". Plus récemment, le résultat des fouilles menées par Papastamati-von Moock (2015) a confirmé cette description.
5 Présenté dans Allan and Jaszczolt (2012, p. 583).
6 "Greek dance was not as specialized as today and the distinction between dance, acting, mime, and gesture was blurred." Llewellyn-Jones (2014, s.v.poses).
7 Voir aussi Llewellyn-Jones (2014, s.v. poses): "Aristophanes however provides specific evidence for actors (not dancers) employing schemata". L’exemple ici est celui du Philocléon des Guêpes qui, imitant Phrynichos, "performs a number of schemata associated with early styles of tragic performance"
8 Sur cette polysémie des schémata, voir Catoni (2005).
9 Sur la correspondance entre gestes et modes du discours (tous deux désignés en grec par le terme schémata), voir Capponi (2020a, pp. 222-229).
10 "Plus petite unité de la macrosyntaxe, la clause est définie comme un îlot maximal de solidarités rectionnelles accomplissant, au plan fonctionnel, un acte énonciatif minimal, visant à modifier l’état des représentations partagées par les interlocuteurs. Quant à la période, signalée à l’oral par un intonème conclusif, elle réalise un programme énonciatif complet du locuteur." Béguelin (2002, p. 92). Pour une justification de ce choix et le rapprochement possible entre la clause et la "période" antique, voir Capponi (2020a, p. 246 sq.).
11 Lorsque je parle de parodos gauche ou droite, je l’entends du point de vue du spectateur. L’attribution n’étant pas certaine, l’essentiel est de souligner que le chœur et Dikéopolis partent chacun dans une direction opposée.
12 "The point of Dik.’s order is presumably that the second slave is to place his poles on the ground and Xanthias is to balance the phallus on them." (Olson, 2002, p. 142).
13 J’identifie ici un geste iconique dans la mesure où le schêma des porteurs de phallus renvoie au rite des phallophories, que l’on trouve représenté sur des vases (voir Csapo, 1997 et 2013). Sans doute il "fait image" dans l’esprit des spectateurs. Csapo (1997, p. 284) commente: "In the Acharnians, too, Dicaeopolis' phallic pompe is accompanied by the ritual cry for holy silence, instructions for the basket-bearer to lead the procession, and, possibly also a ritual formula, the instruction to the phallophoros to stand the phallus erect (orthos), later followed by a command to keep the phallus orthos (241-259). (It may be relevant that ‘Orthos’ is a cult title of Dionysus in Athens, the epithet may suggest a phallic idol.)".

Recepción: 01 Abril 2024

Aprobación: 01 Mayo 2024

Publicación: 01 Junio 2024

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